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L'avion et l'ULM
En tous lieux, en toutes circonstances, l'avion a encore de beaux jours devant lui si l'on souhaite l'élever un jour au rang d'instrument privilégié d'une archéologie capable d'éclairer loin devant le terrain de ses recherches. Mais même si l'idée s'en dessinait , le Ministère de la Culture, direction de l'Archéologie par exemple, aurait peu de chances d'être amené à gérer totalement une recherche aérienne à but archéologique. Au sein des institutions de l'Etat la présence d'un personnel navigant ne se justifie que par un intérêt majeur. Il ne pourrait être que de statut professionnel et relever des règlements de l'Aviation Civile avec tout ce que cela suppose de contraintes d'emploi et de rémunération. Le seul recours resterait donc de faire ponctuellement appel à des officines de travail aérien : une pratique rigide et onéreuse qui s'accorde mal avec le caractère aléatoire de chaque sortie aérienne jamais assurée d'un résultat tangible car tributaire de l'état des sols et des circonstances météorologiques.
Par contre, dans le domaine récent de l'ULM, moins anciennement structuré, il existe des professionnels de statut plus libéral dont il serait sans doute
plus facile et moins coûteux, de rechercher le concours
pour organiser ce type de recherche.
Quoi qu'il en soit et en l'état actuel de la pratique, le vecteur idéal est l'aéronef à aile haute. C'est la configuration généralement adoptée par les ULM. D'une façon générale au sein d'un club, si la disponibilité d'un avion du parc est gérable, celle de tel ou tel pilote ne suis pas obligatoirement les fluctuations météorologiques favorables à une lecture pertinente du sol. D'où la forte proportion des chercheurs cumulant les fonctions et volant seul à bord. Ne parlons pas de l'hélicoptère dont le coût à l'heure de vol est encore prohibitif et qui n'apporte rien de plus dans ce domaine. Le drone
Les drones, avions ou hélicoptères miniatures
pilotés à distance, ont un emploi en version non militaire,
sévèrement limité en zone de vol et en
altitude par les contraintes d'occupation de l'espace afin de ne pas
interférer sans contrôle avec la circulation
aérienne courante. C'est dire qu'une recherche sur des zones étendues impliquant l'information constante du spécialiste rivé au sol par nécessité mais néanmoins responsable de l'opération et attentif tant à l'occupation de l'espace aérien dans lequel évolue son engin qu'à la localisation des vues qu'il recueille au sol et à leur validation éventuelle en tant qu'indice archéologique, apparaît bien difficile - voire impossible - à gérer. Mal adapté à la recherche au long cours, le drone peut trouver un emploi sur site d'étendue réduite et dans tous les cas où l'intérêt de la manipulation s'avérerait souhaitable tel la prise de photos multiples permettant des restitutions de monuments en 3 dimensions. On remarque que chaque jour nous rapporte de nouvelles
prouesses : un drone a pu cartographier les ruines de
Pompéi permettant ainsi
d'acquérir des vues nouvelles sur l'organisation de ce qui fut
une petite ville antique mais aussi de surveiller en
continu et autant que de besoin (par euphémisme !), l'état de conservation des ruines.
Mais la chose étonnante est que l'un de ces engins vienne d'être utilisé pour réaliser en 30 000 clichés ( 30 000 !), une couverture verticale des 3 500 m2 du plus grand édifice connu dans cette ville antique, la villa de Diomède. La notoriété des organismes impliqués : Ecole Normale Supérieure d'une part et la société Iconem spécialisée dans les techniques de prises de vues aéroportées par drone, incitera à porter une attention toute particulière à la reconstitution en relief extrèmement détaillée du site. Mais rien qui dépasse cependant le bel ornement d'une discipline attachante ! Mais il faut se souvenir des prouesses de vol contrôlé dont se montraient capables certains modèles réduits, pilotés en mode "multi-fonctions" dans le prolongement des techniques-radio issues de la dernière guerre mondiale. Appareils-photo motorisés, émulsions photographiques rapides, longues séquences de vues possibles. C'était déjà remarquable pour la décennie 1950 / 1960 à 1980. Remarquable mais prématuré : les temps de gestation de nouvelles techniques sont toujours lents lorsqu'il ne sont pas aiguillonnés par la finance ou la guerre ! - Alors, les drones ? Jusque-là rien qui puisse véritablement remplacer le chercheur éclairé à bord de son ULM ! Mais l'évolution uniformément accélérée des techniques n'est pas un vain mot : la nouveauté viendra plutôt de techniques électroniques de télédétection encore trop sophistiquées pour être mises entre toutes les mains. Que l'on se souvienne que l'infrarouge proche, l'infrarouge photographique mis en oeuvre avec le petit succès que l'on sait sur l'oppidum de Villejoubert, était encore soumis à autorisation préfectorale, il a moins de 50 ans. Ne rêvons pas et attendons : rien n'est plus difficile que de prévoir . . . surtout l'avenir ! |
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Très curieusement, l'idée d'une recherche aérienne pluridisciplinaire est née au sein d'un service extérieur de l'Etat
: la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports de la
Haute-Vienne. Une opération promotionnelle en direction des sports
aériens avait déjà eu lieu : la découverte du Vol à Voile en faveur d'adolescents.
Il
nous sembla - pour faire part égale entre l'aviation avec et sans
moteur - que l'observation du sol et la photographie, pouvaient
se révèler intéressantes dans les
domaines de la géographie, de l'histoire, du milieu naturel, de l'évolution des façons culturales et de
l'espace agricoles . . . tant par la vue directe que par le
reportage.
De là une opération promotionnelle sous forme d'une enquête de faisabilité. Une quinzaine d'enseignants participa à l'opération et quelques élèves embarqués firent eux-mêmes les prises de vues préparées en cours. Tout le monde y trouva son compte : l'Aéro-Club
Renault-Véhicules-Industriels y gagna en notoriété et nombre
d'enseignants rassemblèrent dans leur discipline et à moindre prix, une intéressante documentation.
Un seul candidat - archéologue amateur mais très informé - fut le parent pauvre de l'opération : quelques clichés d'illustration sans doute mais aucune découverte ne fut enregistrée. L'archéologie aérienne étant à la mode, essentiellement grâce aux travaux d'AGACHE, cette lacune pouvait passer pour surprenante. Nous savons maintenant que c'était sans compter avec notre "vieux socle hercynien", ses argiles, son bocage et sa lourde inertie au commerce de l'eau. Ceci nous incita à prolonger hors de tout public une recherche ingrate mais qui devait un jour ou l'autre nous aider à gommer cet échec. |
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Nous avons alors survolé des espaces limités sur lesquels la tradition savante avait déjà peu ou prou, rencontré des indices des derniers âges du fer. Il était connu en effet que ces civilisations, celles d'avant l'écriture et de ce fait mal connues, pouvaient être trahies par les fossoyages dont les hommes de ce temps entouraient leurs habitats et leurs sanctuaires.
Et l'espace devenu antique après le passage de César, ne pouvait qu'accuser le passage des fameuses "voies romaines" autour desquelles l'érudition limousine avait multiplié les recherches et les propositions depuis plus d'un siècle. Cela fut d'abord un succès d'estime, un reportage
photographique intéressant et flatteur au-dessus des
confins nord-ouest du Limousin.
Mais
cela aurait été un "bide" archéologique retentissant si nous n'avions
très vite compris que l'observateur devait d'abord devenir ou redevenir
un paysan !
L'analyse des
photographies aériennes peut éclairer le terrain mais
elle relève toujours peu ou prou, de la
"photo-interprétation", une technique dont on peut
redouter les finesses, les
nuances et les traquenards si le procédé n'est pas
soutendu par une intelligence suffisante de pratiques agricoles
largement séculaires et une bonne connaissance des arcanes du
terrain.
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Nous avons depuis
lors beaucoup volé et beaucoup appris. Vis à vis de l'exploitation des
photos aériennes par les professionnels de l'archéologie, il s'avère que l'écueil principal chez nos jeunes archéologues
du XXe siècle finissant, tienne
bien à un déficit important d'arguments concernant précisément la
compréhension des
tenants et aboutissants qui ont façonné au cours des siècles, notre espace
naturel et rural.
Dès lors, la
photo-interprétation ne peut pas exister tant qu'au sol si peu
d'artifices
familiers de la ruralité, de ses aléas et de ses pratiques, ne sont
pas reconnus avec leur identité réelle.
Tant que l'on ne saura pas sous des limites parcellaires apparemment anarchiques, repérer la trame d'un enclos bipartite de l' Age du Fer ou les angles adoucis d'un sanctuaire gaulois . . . Tant que la dénomination "voie romaine" pourra être plaquée tout à la fois, sur une route départementale qui prend ses aises dans le paysage, le passage journalier du tracteur qui va à son labour, une coulée d'orage dans un champ de céréales en herbe ou un "chemin de messe" en voie de disparition. Voir à ce sujet notre prochaine page : Chassenon, Cassinomagus. |
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Les avions à aile basse ne sont pas rédhibitoires en matière d'exploration visuelle du terrain mais celle-ci est bridée par le masque des ailes et une prise de vue un tant soit peu fichante, exige des virages à forte inclinaison ou des piqués accentués suivis de ressources brutales pour ne pas perdre trop d'altitude. | ![]() |
| La plupart des chercheurs n'a pas le choix
et supporte cet inconfort que
l'intérêt des découvertes fait sans doute
oublier. Ici, l'équipage "Jeunesse et
Sports" enquête à bord
du Robin DR 400 de l'Aéro-Club RVI. Sur ce type d'avion,
l'inclinaison à 45 ° (photo) est à peine suffisante
à
cadrer valablement une vue. Mais 10 degrés de
plus constituraient une limite aux possibilités de l'avion et
à la tolérance des équipages par sa
répétition.
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Le CESSNA 172 (ci-dessous),
quadriplace de 150 CV, est évidemment le vecteur aérien
idéal : gamme de vitesses de 160 à 200 km /
heure et
très bonne stabilité sur trajectoire, une qualité
particulièrement appréciable en couverture verticale. De
ces
avions à aile haute, véritables belvédères
volants - à 2000 pieds / sol (600 à 700 mètres)
- rien n'échappe à l'observateur qui peut
photographier en
multi-focales sans contorsions aériennes inutiles.
Les versions biplaces de
cet appareil sont également adaptées à la
recherche; moins onéreuses à l'heure de vol, elles
évitent également de céder à la demande de
"touristes" amis qui font souvent perdre un temps précieux et gènent la concentration du ou des
chercheurs
par leurs considérations et demandes incongrues, leurs pannes de
pellicule ou de batteries voire leurs nausées intempestives.
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1981 / 1992 . Après 11 ans de bons et loyaux services, le moteur de mon CESSNA arrivait en
fin de potentiel. L'échéance d'un remplacement
onéreux m'incita à vendre ma machine et à envisager
- temporairement - de mettre fin à mes recherches.
Un vecteur aérien très adapté
à la recherche archéologique Assez rapidement cependant, l'idée me vint de transférer les acquits de mon expérience sur un nouveau vecteur : j'avais le choix entre un avion expérimental ou un ULM pour un même plan, le même matériel et la même machine. Je choisis l'ULM en raison de contraintes administratives plus légères. C'était une construction amateur programmée, un kit, mais à part le fuselage - construction treillis, acier soudé - de nombreuses pièces restaient à réaliser . Le souci d'adapter la machine à une tâche non prévue par le fabricant fut une cause de retard. Ainsi, en "améliorant" l'aérodynamique, je gagnais près de 10 km/h de vitesse dont au demeurant, je n'avais que faire mais l'habitabilité en largeur avait pu être notablement augmentée sans nuire à la finesse. L'ajout de réservoirs d'aile me permit d'ajouter deux heures de vol supplémentaires aux trois existant déjà. A ceci près que l'autonomie de l'avion dépassait désormais celle du pilote ! J'avais même envisagé un "amortisseur de roulis" (?) auquel je renonçais finalement . . . Mais - en tant qu'ULM, mauvaise pioche - l'impossibilité de décoller et d'atterrir sur un aéroport international comme Limoges-Bellegarde, me mit dans l'obligation de fabriquer une remorque à chargement rapide pour aller voler à partir d'un aérodrome non contrôlé - St Junien en l'occurence - ( bien sûr, les ailes de ma machine était repliables ! ) Cette mise en oeuvre de manipulations compliquées et à chaque fois le temps perdu, expliquent que j'aie déclaré forfait au bout d'une cinquantaine d'heures de vol.
Je mis alors un terme définitif à 20 années de
recherches aériennes pour me consacrer désormais
à la gestion informatique des remarques, hypothèses,
réflexions, résultats . . . que j'avais pu faire et obtenir.
En effet quiconque a beaucoup vu et revu, supputé, comparé, corrélé, reconnu . . . peut finalement avoir développé une certaine aptitude à formuler des hypothèses plausibles désormais figées sur les milliers de photos engrangées durant cette longue période. |




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Stéréoscopes construits pour les besoin d'une
exposition au Lycée des Vaseix : une série de
couples sur zone urbaine et diverses scènes de bocage et de
limites parcellaires, pouvaient être examinées : prises de
vues aériennes décalées de 50, 100 à 300 m
selon le type de vue et l'effet recherchés (verticale, oblique
paysagère lointaine, monument isolé . . . ), l'altitude, la focale
etc . . . Le jeu des miroirs permet d'élargir virtuellement l'écartement inter-pupillaire : chaque oeil perçoit alors la même scène mais chacune observée sous un angle différent. Le cerveau recompose la scène en amplifiant le décalage des différents plans. Dans les cas illustrés, la distance d'examen cumulée permet au regard une accomodation sans fatigue des détails sur toute la surface couverte par les photos (format 18 x 24 cm) sans artifice optique de grossissement. Intérêt du procédé : - en vues verticales, perception saisissante de relief du sol et de l'élèvation des bâtiments, - en vues obliques, perception décalée en profondeur, des plans successifs des paysages (Vassivière). - en toutes configurations, une gymnastique oculaire bénéfique. - En stéréoscopie verticale et à titre de curiosité, possibilité de faire apparaître des différences d'altitude ou de dessiner une courbe de niveau par référence à des visuels que leur écartement variable sur une barre de parallaxe, permet de poser virtuellement sur le terrain. Le grandissement variable du terrain à la prise de vue (fond de vallée succédant à un sommet de colline) ne peut être corrigé ni sur nos appareils simplifiés ni même sur les appareils ordinaires (bien que plus élaborés) du commerce. Par contre, en relevant le dispositif de grossissement sur le stéréoscope HUET modèle 1923, la nette perception du relief sur la vaste zone commune à deux photos de l'IGN permet de retrouver le raisonnement du technicien routier romain et d'entrer a posteriori (après une bonne expérience acquise en recherches au sol tout de même !) dans ses choix de parcours. |
| N B : La perception stéréoscopique est impossible en l'état : l'écart interpupillaire requis dépasse le réglage anatomique moyen de l'observateur lambda. |


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La guerre de 14 est finie.
Un siècle plus tard, à Limoges, au-dessus de la Vienne, dans un ciel apaisé, nous faisons toujours la chasse à l'inconnu. Voici des souvenirs qui remontent au temps de la ville antique et révélés par l'observation aérienne : - un pont (devenu "le Pont St Martial") dont les bases romaines reconnues suggèrent une splendeur qui fut dédiée aux itinéraires prestigieux qui l'empruntaient et dont nous avons cherché et retrouvé les parcours sur des dizaines de kilomètres. Les voyageurs arrivaient là en contournant les arcades toutes proches d'un grand théâtre : nous incitons les curieux à aller reconnaître une partie de son contour, de part et d'autre du quai St Martial, en se référant aux façades des immeubles bâtis et rebâtis au cours des siècles, sur la courbe extérieure du socle de ce monument antique : voyez l'inflexion finale arrondie de la rue du Pont-St-Martial au-dessus du Quai du même nom. Voir ou revoir notre page "augustoritum" dans "limousin-archeo-aero.fr". - Et en
amont, le second
lieu de franchissement de la Vienne, tout aussi mal connu, à proximité des
îles : le passage d'eau des Casseaux qui débouchait sur l'autre
rive, au pied de la gigantesque tranchée routière des Longes ( page spécifique, même site ).
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