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A hauteur des Bosnages, la trace
résiduelle de la voie antique sud-nord venant du vieux pont de Rancon, vestige évoqué
par notre photo au sol du paragraphe précédent,
(cliché 4 ) va former carrefour avec la vieille voie venant
de Châteauponsac (approximativement
la D 1 jusqu'à Terre-Rouge).
Après quoi, elle est soutendue à distance variable et depuis les "ardillères" (gisement d'argile), par la Départementale 25, vue sur une photo ci-dessous, entre le château d'eau et la ferme de Maison-Neuve.
Or si nous faisons
un saut en arrière de 3 km vers l'est, c'est donc la D 1 qui
marque
l'axe médian de l'alignement antique. Celui-ci, entre Les Rieux
et la Lande de Monceau
lâche un diverticule (ci-contre) que nous intercepterons et
connaîtrons mieux à hauteur des Chômes (voir la page
suivante). C'est un raccourci vers Les Bosnages
mais aussi une
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desserte de
lieux habités de très ancienne origine, tels la Courcelle
( curtis : la ferme fortifiée) et Bucheuil (la clairière,
le domaine, au milieu . . . des bois).
Contentons-nous
d'évoquer par la photo
ci-dessus, la racine de notre
diverticule que nous accompagnons du grénetis blanc d'une limite
communale
(anciennement limite paroissiale entre Rancon
et
Châteauponsac)
qui passait par là avec un détachement certain vis
à
vis des thèses récurrentes de la
spécialité qui voudraient que les paroisses qui
furent instituées progressivement sous l'Empire finissant et
plus certainement au Haut-Moyen-Age, aient calqué
systématiquement leurs limites
sur des voies antiques.
La thèse est précaire s'agissant de voies du Haut-Empire généralement tombées en désuétude voire disparues depuis plusieurs siècles au moment de la définition des territoires paroissiaux ( voir une illustration ci-dessus : limites paroissiales en grénetis blanc). |
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Nous devons
ajouter à notre description précédente la fin du
diverticule des Bosnages qui , le travail accompli en quelque sorte, rejoint à
Maison-Neuve sa voie d'origine est-ouest qui continue ainsi vers le Pont du
Bouchaud. Cette fin de liaison était disparue depuis longtemps ainsi qu'en témoigne en
1828, le cadastre napoléonien (cliché aérien oblique ci-dessous).
Dans sa dernière partie (depuis la cote 281) le diverticule des Bosnages, ne présente ni l'ampleur ni le tracé direct mais prudent, des itinéraires romains tracés aux lendemains de la conquête, il est en particulier coupé par l'effluent de nombreuses têtes de sources qui génèrent des fondrières. Il pourrait être très tardif. Il est néanmoins cantonné sur toute cette longueur, de murets de pierre sèche que l'on peut interpréter sans grand risque comme la mise au rebut des empierrements, refoulés là à l'époque tardive où les lourdes chaussées romaines ruinées et devenues impraticables entravaient les déplacements. |
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Noeuds routiers entre les Bosnages et le plateau de la Cornière |
| Quant au chemin de liaison des Egaux (Maison-Neuve)
à
Villard, il était là en 1828; il est toujours
présent dans le paysage mais souvent envahi par l'eau (voir la photo ci-dessous). Ces petites voies, artifices routiers, ne laissent souvent que des indices fugaces, fractionnés . . . que le prospecteur doit recomposer en harmonie avec les voies majeures, pour percevoir leur nature ancienne : ces conjonctions ne sont pas toujours évidentes. Et cela transparaît dans la recherche des prolongements de la voie romaine venant de Châteauponsac, après le château d'eau : ici la D 25 prolonge à altitude constante, la D 1 d'antique origine. Supposée d'origine antique, une bretelle de raccordement devait permettre (notre cliché ci-dessous et le vieux cadastre ci-contre) de relier les sites des Bosnages et de Maison-Neuve sans aller passer par le château d'eau ou la Cornière actuels : observez cependant que |
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| l'empreinte de
ce raccourci traverse une haie par un passage charretier qui fait
brèche localement dans la ligne d'arbres. Il ne semble pas cependant y avoir d'anachronisme, la brèche observée pourrait être le fait
d'un "paysan fûté" qui sait reconnaître d'instinct, pour les utiliser à son
profit, les endroits solides hérités de l'antiquité et toujours
propices aux passages d'un champ à un autre. Selon nous, la justification antique de la trace repose sur sa largeur qui excède largement la voie d'un tracteur agricole et sur sa disparition au contact de parcelles existant à l'ancien cadastre de 1828 et qui avaient localement et depuis longtemps détruit cette très vieille route. La conservation des traces que nous observons, relève toujours d'un petit miracle ! |
| Sur le cliché ci-dessous, nous évoquons par une flèche
jaune la possibilité d'une voie vers le nord-nord-ouest encore sous-tendue
de nos jours, par une suite de lisières de parcelles qui ondulent entre
la Bussière et la Saumagne. Mais en fait, il y a davantage à attendre d'une voie à rechercher par La Brousse de Droux et la Lande-de-Grandchamp (sanctuaire traditionnel gaulois), vers le Dorat. Il s'agirait alors de poursuivre vers le nord-ouest et Les Quênes pour aller passer la Brame au gué de la Caille (moulin actuel). Nous avons suivi cette voie en suivant ses traces au sol appuyées par une toponymie agricole (les Grandes-Règes) ou inspirée du latin (la Dapeyre, le Chiron . . .) ou des remarques botaniques (les Genêts), ou tout simplement l'Ancien-Chemin à l'approche de Lathus. Nous avons alors abandonné cet itinéraire dans sa progression vers Montmorillon et sans doute, le Poitou. Il s'agit probablement d'un itinéraire d'origine protohistorique (gauloise ou antérieure) grossièrement ravaudé "à la romaine", condition sine qua non pour que nous ayions pu le repérer. On se souviendra qu'entre les Quênes et le gué de la Caille sur la Brame (soit sur plus de 500 mètres), il a pu être élevé au rang de voie romaine majeure avec une emprise transversale au sol de plus de 30 mètres. L'essai ou la tentative abandonnée a sans doute à voir avec la présence à proximité d'un petit camp (militaire ? - 450 X 250 m) romain partiellement occupé actuellement par la ferme de l'Age, à 1000 mètres de la voie. Le petit camp est raccordé au nord et de façon très explicite au tronçon de voie romaine et au nord-est, au site tout proche, de la future ville du Dorat.
Notre site "limousin-archeo-aero.fr" page 3 : " gaulois et
gallo-romains en marche ".
Voir également la page suivante du présent site : "voies de la gartempe b.html", la mosaïque synoptique IGN 1950. |

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Entre le château d'eau de la D 25 et le village de Villenue (la "nouvelle villa"), il
n'est pas besoin de descendre de voiture pour localiser un nouvel
indice du passage de la voie antique : photo au sol au niveau de
l'étoile rouge (ci-dessous).
Mais le cliché IGN proposé par Google, est intéressant en ce qu'il permet une bonne évaluation de l'emprise totale totale du passage routier : approximativement 55 mètres entre limites "d'emprise administrative". De nos jours et toutes choses égales par ailleurs, on fait passer une 4 voies sur 30 mètres de largeur ! Nous ne ferons pas de commentaire sur ce sujet neuf, jamais vu ni même subodoré jusque-là en Limousin mais qui a déjà été reconnu et interprété par Roger AGACHE en Picardie, dans le sens que nous suggérons ci-dessus. On
notera sur notre cliché au sol les orties
naines qui tapissent localement le fond de la tranchée
routière (vignette surimposée). Ceci et certaines autres
observations que nous allons évoquer plus loin, pour rappeler
que nos
photos ont entre 15 et 20
ans d'âge : il ne faut pas forcément s'attendre à
trouver le terrain dans le même état : la
déprise
agricole aidant, beaucoup de sites sont devenus illisibles, ailleurs le
remembrement institutionnel ou spontané de parcelles a
supprimé des limites
significatives, des rideaux de végétation ont
disparu, la puissance des engins a nivelé des reliefs et atteint
des couches archéologiques jusque-là
préservées.
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Nous avons pu avoir une idée assez nette de la continuité de la voie
antique à partir de l'orientation de la tranchée routière précédant Villenue.
On pouvait ainsi restituer le large contournement de la station agricole et / ou pastorale protohistorique ou antique de Villenue (à-plat rouge ci-dessus et ci-dessous) seulement définie par sa vaste esplanade bordée à l'ouest par une haie dense de buis en limite d'un chemin agricole qui descend vers la Semme. Notre
cliché panoramique ci-dessous par l'assemblage des plans,
accentue au-delà du
réel, la limite nord du terre-plein qui, telle une proue de
navire, domine la vallée de la Semme précisément.
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A partir des terres surélevées situées
au-delà du chemin agricole qui descend vers la Semme entre les
haies de droite (notre cliché ci-dessus) il était
possible d'avoir des vues pertinentes sur la suite du cheminement
antique.
La première photo ci-dessous montrera au fond, à gauche, une lisière rousse de fougères dominant le flanc d'une tranchée qui allait s'approfondissant en descendant vers la Semme (petite flèche bleue, au loin) : c'est bien la trace routière, même si le point de vue photographique éloigné est impuissant à restituer l'impression de visu très positive (repérage flèches rouges pour la saignée). La seconde photo est un effet de "zoom" sur la trace lointaine de la voie (étoile verte). Ce plan rapproché permet d'apprécier l'occupation d'une mini-tranchée par une population d'orties, de ronces et de fougères que nous avons vu subir plusieurs fois et sans grand succès, des tentatives d'éradication. ![]() La Semme, la Montade, les Ages . . . Et, par delà la route, cette saignée est en connexion avec une trace faible mais non équivoque qui traverse les terres de La Montade ( cliché ci-dessous) |

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Au travers de ces terres - et seulement là - et depuis
une date aussi ancienne qu'indéterminée, les restes de la
voie antique ont servi partiellement de support à la vieille route de
Magnac à Rancon dont la suite du cours est
suggérée par un grénetis rouge (plan IGN,
plus bas). L'opération a inversé quelque peu la courbure des traces; il subsistait au moment de notre photo aérienne des restes très faibles de parcellaire et le macule d'humus en double coma
d'une vieille ferme non
répertoriée au cadastre de 1837. Une ferme ou un hangar rustique que nous
aurions vus nous semble-t-il, sur les premières cartes UTM de
l'après-guerre ?
Toutes
traces aujourd'hui difficiles voire impossibles à retrouver. De plus la route de l'Ancien-Régime (grénetis rouge ) était affectée d'un tracé en baïonnette (chicane). Elle aurait donc pu être précédée (coin supérieur droit du cliché IGN ci-dessous) d'une route antique, utilisant le passage d'eau de l'Aumône en dérivation de la liaison venant de Villard (voir page suivante). Des indications de couleur verte suggèrent cette éventualité. |

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Evidemment et pour pallier l'absence d'observations aériennes pertinentes malgré plusieurs
vols, il nous aurait fallu recourir à la prospection au sol pour
localiser le gué sur la Semme et ses approches : toutes choses qu'à deux
reprises des hardes de bovins en libre pâture nous ont dissuadé
d'entreprendre.
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| Mais voilà qu'une distorsion apparaissait : les deux branches restituées
séparément de part et d'autre de la Semme ne se
raccordaient pas. A distance des lieux, la solution du problème relevait de
la divination, ce qui n'est pas notre spécialité. En fait, il faudra attendre les plus récentes photos du net (IGN 2012) pour que tout s'éclaire de façon satisfaisante. |
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Aux débuts de mes prospections aériennes
l'intérêt de la reconnaissance en continu d'une voie
antique ne m'apparaissait pas primordial : il me semblait que j'arrivais trop tard et que tout
avait déjà été fait !
Il faut donc comprendre que ces prospections tant aériennes que pédestres ne se sont pas inscrites d'emblée dans la continuité d'un cheminement topographique continu mais se sont étalées par le fait du hasard, sur plusieurs années. Dans mon esprit, la photographie aérienne était destinée à enregistrer ce que je percevais visuellement comme indice archéologique intéressant, remettant à plus tard ou à jamais, l'éventualité d'établir un lien entre les différents sites ainsi répertoriés. Le souci d'établir un ordre dans la profusion de mes découvertes arriva finalement assez tard et dans bien des cas je ne disposais déjà plus de moyens aériens pour tenter de découvrir d'éventuels raccords entre des indices distants. Je suivais d'ailleurs en cela la démarche pratiquée par la totalité des chercheurs en archéologie aérienne de France et de Navarre qui n'agissent pas autrement aujourd'hui. Leurs succès tiennent autant à l'expérience issue de leur persévérance dans l'action, qu'aux qualités que leur offrent - pour les plus chanceux - les sols des vastes régions sédimentaires qu'ils survolent, porteurs de riches cultures, hypersensibles aux variations hydriques les plus nuancées . Il faut savoir qu' en Limousin, château d'eau du versant occidental de la
France aux sols peu perméables, "l'eau . . . elle passe !".
Mais d'autres régions, dont on parle peu, sont également le domaine des "gagne-petit" de l'archéologie aérienne. |
Bref, et faute
de données plus précises sur les versants
et les bords de Semme, le hasard qui fait parfois bien les choses nous
offre aujourd'hui, de tenter une interprétation de la
dernière photo aérienne de l'IGN dont nous publions deux extraits.
Dans le prolongement de la large trace relevée en amont du village de Villenue, le large contournement du terre-plein porteur de l'habitat gallo-romain de la "Nouvelle-Villa" (Villenue) se raccorde à la perfection à une trace verte de chaussée qui se glisse elle-même ensuite à l'issue d'une longue courbe, dans la "trémie" d'un aménagement de tranchée routière bordée d'arbres, qui descend vers la rivière et dont nous avions d'ores et déjà ci-dessus, révélé l'existence (point vert). Sur la photo de l'IGN, l'emplacement du gué antique est corroboré par l'usage qui en a été fait en continuité depuis cette lointaine époque. Depuis des temps très anciens, le passage d'eau semble s'être perpétué au même endroit devenant finalement simple "chemin de meunier" reliant Villenue au Moulin de l'Aumône. |
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Nous avons évoqué cette dernière vocation (tracé jaune) par les hauts
buissons de buis qui le bordent tant qu'il reste contigu à
la plate-forme de la villa antique. Un chemin autrefois vital et encore utilisable aujourd'hui par les troupeaux (flèches jaunes).
Après le gué sur la Semme, un talus courbe dont on distingue la marque aride du
glacis et son pied plus humide, a certainement quelque chose à
voir avec notre voie. Le raccord avec notre petite tranchée
montante vers . . . La Montade que nous avons aperçue de loin à
Villenue, est évident : la récente photo de
l'IGN atteste qu'elle a été défrichée. On
notera que de temps immémorial tant comme route gallo-romaine, que devenue plus
récemment simple tranchée résiduelle, elle
purge vers la rivière les eaux qu'elle collecte.
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Enfin
et pour en finir avec ce
tronçon de voie, revenons à l'avant-dernière photo
ci-dessus
(le Moulin de l'Aumône, la Saumagne). Observons dans le coin
inférieur gauche du cliché un diverticule de liaison
venant de Villard que nous avons déjà
évoqué et que nous retrouverons à la page
suivante.
Dans
sa descente vers la Semme après avoir été
tranché par l'ancienne ligne de chemin de fer, il est encore
fossilisé sous une haie arborée qui occupe son
bas-côté gauche. Ce buisson est presque exclusivement
constitué par du fragon (petit houx) en touffes
extrèmement serrées (triades de points verts). C'est de
façon constante le signe d'un très ancien cheminement.
Sur notre photo synoptique (plus haut) nous
matérialisons par des flèches vertes, une suite possible
par le site de l'Aumône, puis une montée sur le
tracé actuel de la route communale selon un azimut de 300 puis
310 et suivie par la trace non équivoque d'un cheminement ancien
( en haut du cliché, au niveau des logos).
On n'aura aucune difficulté à raccorder
cette trace à la voie principale (que nous allons décrire
dans les lignes qui suivent) dans des parcelles qui portent le nom
générique de "les Garennes" et surtout "les
Pêcheries"; ce dernier toponyme évoquant en dialecte
local les mares qui caractérisent de façon constante les
terroirs exploités aux temps protohistoriques par "nos
ancêtres les gaulois".
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Une retenue d'eau
Il reste à revenir en arrière pour essayer de comprendre la décision du technicien romain de tracer une longue courbe vers l'est pour aller chercher un gué sur la Semme hors de l'alignement en ligne tendue qui semblait aller de soi. Regardons ce que la photo peut nous permettre de comprendre : la zone que nous signalons en surimpression bleue pourrait - sous réserve d'inventaire - correspondre à un dépôt alluvial particulier, une prairie de fond peu pentue susceptible d'avoir été un espace d'étalement des crues en circonstance exceptionnelle. Une impression renforcée par l'image en aval d'un possible pincement de rive pouvant créer une montée des eaux par ralentissement du débit : un défilé selon les géographes (pointes de flèche bleues). Y avait-il un réel danger à engager des voyageurs dans une telle zone et ne serions-nous pas tentés aujourdhui de voir là une vague éventualité de fréquence centennale ? Nous avons trop
tendance
à oublier que nous avons vu le romain construire des
chaussées
pour 1000 ans d'usage en essayant de se tenir autant que possible,
à l'écart de tous
les traquenards réels ou potentiels. Parmi les monuments
qui nous sont parvenus, certains ont déjà passé
leur second millénaire et beaucoup d'autres seraient
encore
là s'il
n'y avait eu les "chocs de civilisations". . . la malignité,
l'incurie des hommes . . . leurs besoins vitaux également : par
nécessité, chaque époque fait son lit sur les
décombres de la précédente.
- Un moulin antique sur Semme ? Peut-on croire Monsieur Vitruve !
Vitruve vivait au 1er siècle av. J.-C.. C'était un ingénieur d'Auguste pour les machines militaires mais également un architecte qui dirigea des embellissements à Rome. Dans le cours des 10 livres de son oeuvre "De Architectura", il a décrit le principe des moulins à eau : mais quelle connaissance en aurait eu le notable gaulois qui construisait à Villenue une nouvelle ferme, grande sans doute, mais en bois et en matériaux périssables comme celles de ses ancêtres gaulois ? Si ma mémoire est bonne, il me semble bien que les premiers moulins à eau n'auraient pas été construits chez nous, avant le début du second millénaire , donc et au mieux autour de l'an mil ( mais on parle aussi de la fin du VIIIe siècle ? ). On peut donc sans regret éliminer l'existence d'un moulin qui aurait exploité ici une très éventuelle retenue d'eau. On retiendra simplement la prudence d'un ingénieur romain. |
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Peu avant le village des Ages,
notre voie antique n'est plus perceptible en tant que telle : elle se
trouve sous l'assise actuelle d'une petite route qui fut sous l'Ancien
Régime et jusqu'au début du XIXe siècle, route de
Rancon à Magnac.
Dûment rectifiée, elle vient de nos jours terminer son cours au nord, sur la Nationale 145, à l'angle est des Bois de Droux. Ce faisant, elle a abandonné l'assise de la vieille voie romaine dans la montée des Garennes. L'antique chemin se repère encore en oblique, traversant le terroir gaulois des Pêcheries (traces d'anciennes mares et d'enclos de tradition gauloise repérables par les placages d'argile en dendrite dus au débordement de leurs fossés au cours de leur comblement naturel) et abordant d'une ligne à peine brisée, les Bois de Droux. Le passage de cette route antique depuis très longtemps disparue, au point sommital de cote 314 aurait peut-être suscité dans ce passé très lointain, l'érection d'un monument païen (carré rouge et blanc). Le lieu de dévotion chrétien qui lui a succédé aurait abandonné le culmen et de façon très réaliste, se serait établi au plus près mais sur le bord d'une nouvelle route. Sans être systématique, le rappel de ces croix de dévotion sur les vieux cadastres ou les vieilles cartes, est sans doute l'écho répercuté jusqu'à nous, d'une vénération populaire aussi ancienne que tenace. |
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A
la faveur d'une coupe rase et d'un nettoyage du terrain dans les bois de Droux, près de la voie romaine (ci-contre, pointes rouges affrontées), nous
avons pu photographier la trace d'un bel enclos de tradition
protohistorique (Age-du-Fer) dont nous connaissions le type
trapézoïdal
para-curviligne pour en avoir déjà observé
un exemplaire près d'Azat-le-Ris (site "limousin-archeo-aero" page "gaulois et
gallo-romains"). On se souvient que nous en avons découvert un autre près de la
Gare de Thiat.
Vers Magnac, à la sortie des Bois une faible trace ponctuée par un arbre isolé, rejoint un court lambeau de vieux chemin qui se réduit très vite au-delà de la Départementale 7, à une longue haie filant vers les lieux-dits l'Age et le Mont, à l'horizon de Magnac-Laval.
Ici
finissent nos certitudes et plusieurs années se sont passées avant
que nous ne reprenions pour les besoins de ce mémoire, l'étude des clichés aériens
appuyée par une courte enquête de terrain.
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Dans cette
dernière partie de notre prospection nous ne souhaitions pas
aller plus loin que de montrer la connexion de notre voie
avec le territoire urbain de Magnac en espérant cependant du même
coup,
découvrir quelques traces de fermes archaïques
puisque ce terroir s'est acquis de très longue date, la
réputation de meilleure terre à blé du département.
Donc et puisqu'aucun indice de route antique ne se manifestait de façon formelle, à chacun de nos passages, nous chassions vainement l'enclos protohistorique et ses fantômes autour des grandes fermes au nom prédestiné : Busserolles (le buis), les Pouyades (la hauteur, le podium), la Vilatte (la villa), les Chenauds (les fossés) . . . Au bas de notre image, à gauche, une grande terre de culture (légère surimpression rouge) dépendant de la ferme de Grangenaud, nous montrait à chacun de nos passages, le filigrane plus ou moins net d'un système d'enclos rectangulaires inconnu de tous les cadastres. |
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Et dans l'angle du
cliché, une trace de vieux chemin recoupait à travers un
bosquet, un méandre de la route communale qui allait vers
Magnac. C'était la route de l'Ancien Régime mais son
origine pouvait de toute évidence, remonter aux temps
antiques (étoile).
Et une cabane de berger au milieu des terres (carré rouge) repérée à un autre moment à basse altitude, témoignait qu'il y avait peut-être là "de la pierre à revendre" : ces cabanes que nous ne comptons plus - et nous en avons encore en réserve - "bories" ou "gabies" selon les endroits sont de bons révélateurs du voisinage d'une voie antique. Quelques
jours après, une autre
sortie aérienne nous amena encore à passer au-dessus de Grangenaud : les enclos
étaient davantage distincts dans la grande terre de culture
bien qu'ils ne ressemblassent
à rien de connu (cliché ci-dessous).
Le site de Grangenaud ne correspondait toujours pas à ce
que nous avions appris jusque-là de la situation des
établissements agricoles gaulois.
Le passage par Magnac de la voie romaine de Rancon marquant dans mon esprit comme je l'ai dit, le terme de mon travail, j'avais bien l'intention d'en rester là et de me contenter d'une fin de parcours estimée pour clore mon sujet. Mais puisque j'étais là, autant prendre une dernière photo. . . |

| Par le plus grand des hasards et seulement au moment
d'archiver la diapositive, mon attention fut attirée sur la parcelle
située en haut et à gauche du cliché : je retrouvais là en plus
structuré, un découpage du terrain que j'avais déjà observé sur l'oppidum de Villejoubert et sur le terroir de "Les Caux", proche
du village de la Chassagne, commune de St Priest-Taurion. Ainsi il s'en
était fallu de peu que ce détail archéologique majeur ne se retrouvât
enfoui par inadvertance au fin fond d'un classeur. Quant à la grande structure de Grangenaud qui avait attiré mon attention et qui figure au premier plan, dans la parcelle verte, elle est certainement intéressante car elle est plus vieille que les plus vieux cadastres. Mais à ce stade de mon étude, je n'ai plus le temps ni les moyens de la prendre en compte : un jour ou l'autre peut-être quelqu'un s'en chargera ! Forme primitive d'une grande villa gauloise ? |

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Quelques années
et de longs mois plus tard mon enquête au sol commença en
toute
logique par la parcelle où j'avais repéré des "petits jardins", disons des hortillonnages ou des "hortus" (pluriel en horti ?)
si l'on veut tenter de désigner une structure jamais
encore repérée à ma connaissance et donc jamais
nommée en Limousin.
Revenant sur ma photo aérienne (ci-dessus) on observe une allée centrale sensiblement orientée sud-est / nord-ouest, bien individualisée - une allée décumane majeure - parallèle à 4 autres apparemment. Et recoupant le système, des allées plus petites créaient une trentaine de petits jardins rectangulaires. A Villejoubert, pris dans un contexte d'oppidum remontant aux derniers temps de l'indépendance gauloise, j'avais opté pour un aménagement de cette époque en n'excluant pas cependant une influence romaine au vu de la régularité du système. Si cet aménagement du terrain relevait bien d'une activité agricole comme je le pensais, une ferme gauloise devait se trouver à proximité. Mais réduit aux seuls éléments que j'avais glanés jusque-là au cours de mon expérience aérienne, je n'avais pas une idée très nette des traits caractéristiques d'un site de villa gallo-romaine dont aucune littérature ne m'offrait d'exemple. |
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Au préalable, on observera que notre parcelle en nature de petits jardins, est
irrégulière dans sa forme par l'intrusion dans l'un de
ses angles, du coin d'une autre parcelle que l'enquête au sol
montrera fortement décaissée avec un
paroxysme d'environ 4 mètres à son point le plus
bas (triangle rouge). Le fond vert correspondant grossièrement
à l'étendue de l'excavation.Observez bien la limite sud de la parcelle aux hortus, captée à l'extrême bord gauche de ma photo :
c'est une petite
haie arbustive portant quelques vestiges de vieux chênes et dont
le pied est tapissé de fragon et d'orties. A toute sortes
de stigmates superficiels, on comprend que ce fut une
allée, un petit chemin. Au nord, elle est encore bordée
en retrait, sur une partie de son cours, par une liseré
très fin et très net en légère dépression .
La haie prend racine sur le
délaissé du chemin communal actuel,comme un court
élément de la voie antique venant de Rancon. A l'endroit
où elle s'interrompt (cercle rouge avec point central), le
passage répété
des moutons entretient l'exposition au jour d'un fin pavement
très régulier de menus
cailloux . L'ancien chemin passe à l'emplacement d'une
cabane de berger (figuratif ci-dessus ou ci-dessous, partiellement) qui fut lourdement bâtie en pierre
et que l'on devine de l'autre
côté du passage.
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En progressant
vers l'ouest , il nous apparut très vite que les terres
décaissées près de la parcelle des jardins avaient pu
servir a aménager et à prolonger une plateforme
horizontale de 250 mètres environ, s'avançant à flanc de vallée au-dessus de
la rivière : nous indiquons son étendue approximative par une
surcharge verte (comme pour la terre qui lui a donné naissance)
sur le cliché spécifique de ce qu'il va bien falloir
appeler la Villa gallo-romaine du Puy-Parvier : notre cliché au sol de l'extrémité ouest du terre-plein en témoigne.
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| En me référant à mon
expérience d'un petit millier d'heures de vol consacrées à scruter le
passé de la campagne limousine, je reste sur l'idée de l'existence d'une
profusion de fermes gauloises ou gallo-romaines comparativement aux
quelques exemplaires connus de plus ou moins belles et somptueuses villas, construites à chaux et à sable par de riches notables. Au delà de l'intérêt touristique actuel et de l'épiphénomène historique, ces villas romaines - proprement romaines - me semble avoir le même intérêt , pour l'histoire des temps antiques en Limousin, que les quelques châteaux de porcelainiers ou autres chevaliers d'industrie des 2 siècles passés. Car, ainsi prises isolément, il manque encore à la démesure de leurs restes admirés, les signes et les traces - et les strates - de l'environnement humain laborieux qui a permis leur création dispendieuse et entretenu leur somptueux usage. Cela dit, continuons notre enquête ! |

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En parcourant le
site, je m'étais avisé que partant de la plateforme
de la villa et descendant vers la Brame, le pied d'une haie présentait à intervalles rapprochés
d'énormes blocs de roche. Certains étaient bien exposés, d'autres enchassés dans la
végétation, étaient à peine visibles.
D'autres encore, avaient manifestement subi une tentative de
fractionnement aux fins de récupération :
l'opération n'avait pas forcément réussi. On
trouvera un échantillonnage ci-dessus.
Un autre jour, nous avons décidé d'aborder le terre-plein de la villa gallo-romaine par le bas et nous avons passé l'eau au Moulin de La Vilatte (itinéraire jaune) et suivi des haies en montant la pente. Après un parcours de quelques centaines de mètres, une haie se doublait d'un ancien chemin et élément nouveau, des pierres de tout calibre étaient rejetées en marge du passage. En montant la pente, les pierres abandonnées augmentaient sensiblement de volume. Puis le chemin disparaissait et sur le cours de la haie qui le prolongeait, nous retrouvions les gros blocs repérés quelques jours auparavant.
La vignette surimposée à l'image synoptique GOOGLE
ci-dessous, marque dans la pente, le niveau d'abandon de cet ouvrage
de voirie antique.
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| On ne peut pas
tout dire, on ne peut pas tout montrer, des années n'y
suffiraient pas cependant : j'ai mis sous fond rouge
deux parcelles voisines du Puy-Parlier parce-que j'ai tout lieu de
penser qu'elles ont été également loties - mais pas
forcément à l'identique - en petits jardins. Dans la
large région de Magnac, Droux, Rancon . . . on en trouvera
d'autres et d'autres enclos proto. Bonne chance ! Une longue trace d'origine géologique possible barre le site du Puy Parlier. Aucun indice n'est visible sur le terrain sauf une très forte cépée de houx au point précis où elle apparaît au bord de la route communale qui file vers Magnac. Trace géologique possible certes mais son manque de continuité au-delà de 5 à 600 mètres et l'absence totale de modelé au sol, rappellent étrangement les grandes circulations matérialisées sur nos clichés et qui semblent bien encadrer le transit des voyageurs dans la proximité de sites d'habitat gaulois de quelque importance. |

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La photo synoptique de GOOGLE ci-dessus
marque également l'endroit où disparaissent les rochers cyclopéens
et la vignette surimposée décrit les derniers
dépôts.
En pareil cas de disparition d'indices sur le cours d'un itinéraire, notre démarche plusieurs fois décrite, consiste à rechercher à distance un obstacle transversal qui ne puisse être franchi qu'aux prix de travaux relativement importants. La rivière Brame répondait à ce critère et il pouvait en être de même pour le chemin de Puymaud qui occupe toujours une ligne de rupture de pente au flanc nord de la vallée. |

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Notre
enquête commença par le chemin de Puymaud en train de
devenir une rue à part entière : le passage avait
été élargi, le niveau de roulement abaissé
et une couche de gravillon compacté était
déjà en place.
Au hauteur d'un coude sur le tracé, les engins avaient mis au jour au flanc nord de la nouvelle rue et sur une dizaine de mètres, une ancienne chaussée soigneusement empierrée (photo 5). Au même niveau, notre descente perpendiculaire vers la rivière à la recherche d'autres indices d'empierrement, aboutit à une haie qui avait été le réceptacle de pierres de toutes grosseurs (photo 4). Arrivant enfin sur la rive droite de la Brame, nous découvrions une étroite piste à vaches qui prenait le haut talus de la rive gauche en écharpe pour aboutir sur une petite bande de rive. |
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S'il s'agissait véritablement de l'accès à
un gué, on peut comprendre que la trace d'une très
ancienne tranchée, plus marquée, avait pu être
totalement colmatée par plus de 10 siècles
d'activité agricole.
Car, sur une quinzaine de mètres , dénuée de toute végétation arborée, la berge plongeait dans l'eau en pente douce. Quatre rangs de fil barbelé semblaient avoir été mis là pour interdire au bétail l'approche de l'eau et la traversée de la rivière (photo 3 ci-contre). La descente avait manifestement été créée naturellement par les bovins attirés par l'eau : les vaches savaient ! |


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Mais
déjà il était flagrant que nous nous étions éloigné de l'axe de notre
alignement de blocs cyclopéens qui préfigurait une allée de desserte.
Il s'agissait apparemment de tout autre chose. Il restait à revenir sur les terres du Puy Parvier pour essayer de comprendre. A partir de l'emplacement du gué, un coup d'oeil vers le sud nous ramena au jalon monumental d'une cabane de berger construite à mi-pente (photo 2) et que nous avions repérée sans lui avoir accordé jusque-là autre chose qu'un intérêt anecdotique. De là, progressant vers le haut des terres en mettant un peu d'ouest dans notre cap au sud, une longue haie basse (repère c), s'orientait en position incongrue dans le parcellaire, cette portion étant aujourd'hui encore, utilisée comme chemin agricole par l'exploitant. Plus haut, la photo GOOGLE montre (repère a) une légère rupture d'alignement sur une haie basse, rupture ponctuée par un arbre en boule isolé. Mais surtout dans le lointain voici la courbe en "chapeau de gendarme" de l'ancien chemin du cadastre de 1837; un détail pratiquement disparu sur la haie bordée de pierres cyclopéennes qui l'a remplacé. Et ceci quasiment au pied de la plateforme de la ferme gauloise : un léger incident de parcours qui nous cache un artefact inconnu. C'est du
pied de cette haie que nous avions un jour pris la photo (repère
1) de cette longue descente vers la Brame et de la remontée vers
Magnac .
Bien sûr le cliché ne montre rien de ces menus incidents mais il donne l'ambiance : l'antique chemin faisait une longue courbe par la droite vers la cabane qui nous est cachée par les arbres et au creux de la vallée, le gué sur la Brame est bien sûr invisible. |

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Quinze ans plus tard,
l'image de GOOGLE ci-dessus - appuyée par le vieux cadastre -
corrobore par des indices d'une grande netteté dans les
cultures et les parcellaires, l'idée qui nous était venue
de l'examen minutieux du terrain. La photo verticale de l'IGN
ci-contre, plus récente encore, montre l'état
actuel
des lieux au droit du gué antique sur la Brame : un lieu maintenant aménagé en abreuvoir.
Revenons à Puymaud ! A partir de la découverte de la chaussée antique coupée par les travaux de la rue de Puymaud, une enquête de voisinage m'a confirmé qu'un |
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chemin avait bien existé en prolongement
des restes de pavements mis au jour : le lieu de passage semblait s'être
ainsi perpétué pendant des siècles. Son
importance devait être minime car le cadastre de 1837 n'en fait
pas état.
Plus tard, en m'appuyant sur
des limites de propriété, il m'avait alors semblé possible d'aller un peu plus loin .
A ma surprise, la trace ainsi restituée pouvait venir
s'aboucher à l'une ou à l'autre de deux saignées
qui apparaissaient sur mes clichés dans une prairie
contiguë au cimetière.
La plus large, en courbe, pouvait davantage évoquer la trace
résiduelle d'une voie antique. Je
m'étais promis de revenir à Magnac pour voir cela de plus
près. Trouver le temps, prendre la décision et le quartier avait
été entièrement urbanisé : dommage, je ne saurai jamais la fin de cette histoire !
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Mais où est donc passée la voie que nous
avons suivie depuis Rancon ? Si comme nous le pensons,
l'ingénieur romain avait évité de mener son
chantier trop près des ruisseaux ou des ravins, il devait venir
passer la Brame non loin de l'abreuvoir aux vaches.
L'histoire des voies antiques ? Des idées simples qui font leur chemin !N'existerait-il pas un autre gué sur la rivière en amont ou même un petit pont ? C'est bien le cas nous a-t-on dit. Sur les documents de l'internet relayés par nos photos verticales prises il y a un peu plus de 20 ans, des directions apparaissent dans le tissu urbain, guidées par des rues, des limites de propriétés, l'orientation de petits détails. Même après deux mille ans d'histoire, rien ne disparaît tout à fait complétement : nous pensons l'avoir montré. Depuis Rancon, nous avons fait globalement route au nord avec cependant un soupçon d'ouest dans notre cap : disons globalement, du 350. Au delà de Magnac il n'y a aucune raison pour que notre ingénieur romain ait changé d'avis ! Alors, si le coeur vous en dit . . . vous en savez assez pour mener à bien la suite de la prospection ! |
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